Voilà ! Ma deuxième (seconde ?) fille est née au début du mois. Les circonstances de sa naissance ont été pour le moins inhabituelles (en France, en 2016) : elle est née dans la baignoire de mon appartement lyonnais, qui était à ce moment-là remplie d’eau chaude et de moi-même. Le seul témoin de la scène était mon mari, ma sage-femme est arrivée quelques minutes plus tard (fichus bouchons lyonnais) pour la délivrance.

Quand j’explique ça comme ça, on me pose un peu toujours les mêmes questions. Je tente ici d’y répondre.

En préambule, une précision importante à propos de l’accouchement non assisté

Il se trouve que j’ai « accouché sans sage-femme » parce que le travail a été très rapide (entre 1 h et 2 h à peine d’après nos estimations a posteriori) et que ça s’est très bien passé. La sage-femme n’a pas eu le temps d’arriver.

D’ailleurs, en réalité, je n’ai fait que la moitié de l’accouchement de manière non assistée : la délivrance (expulsion du placenta) a été surveillée de près par la sage-femme qui suivait ma grossesse depuis neuf mois. Même si la naissance du bébé s’est passée sans encombre, une surveillance médicale est nécessaire lors de l’expulsion du placenta : il faut qu’il sorte en moins d’une demi-heure et il faut un œil exercé pour vérifier qu’il est complet. Un problème à la délivrance peut mener à une hémorragie ou à une infection et, dans le pire des cas, à la mort de la maman. Donc non. C’est pas glop.

En résumé : accoucher à la maison/dans l’eau/sans produit chimique c’est trop bien, mais le faire sans assistance (ni sage-femme ni médecin) est irresponsable et dangereux. Je ne veux pas que cet article donne l’impression que je fais la promotion de l’accouchement non assisté : de grâce, si vous choisissez d’accoucher hors de l’hôpital, faites-le avec une sage-femme.

Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

C’est un peu confus. Tentative de chronologie :

  • 4h30 : je suis réveillée par des contractions douloureuses et un besoin de petit déj.
  • 6h30 : je préviens ma sage-femme qu’il se passe un truc.
  • 8h30 : mon mari part déposer Gaminette chez sa nounou pour la journée (avec un petit sac pour lui permettre de passer la nuit sur place au cas où).
  • 9h51 : mon mari part en rendez-vous client à perpète-les-oies (bon en vrai juste à 13 km de là, mais une bonne demi-heure de trajet)
  • 10h50 : j’appelle la sage-femme parce que quand même j’ai mal et j’ai des doutes. Quelques blagues et une contraction tranquille plus tard, nous concluons toutes les deux qu’on a encore le temps mais que je vais demander à mon mari de rentrer bientôt quand même.
  • 10h54 : suite à une contraction pas tranquille du tout, SMS à mon mari « reviens viiite j’ai maaal ». Je retourne prendre un bain.
  • vers 11h35-40 : le mari rentre et me trouve assise en tailleur sur le lit en train de pousser des vocalises étranges.
  • 11h55 : — tu veux que je te fasse des pâtes ? — Tu veux pas me faire une péri, plutôt ?
  • vers 12h : « appelle la sage-femme et remets de l’eau chaude dans la baignoire. »
  • un peu après : « OK elle arrive dans 30-40 minutes ! »
  • encore un peu après : retour dans le bain.
  • flou artistique (douleur - changement de position - douleur - désespoir - non je veux pas de pâtes - contractions - bordel c’est la tête qui sort là - j’aurai pas ma péri - tant pis - poussée - tête - cette tête est beaucoup trop grosse - épaules - mais elle a tout ça comme épaules ? - bébé - oh là là)
  • 12h37 : — Allô C. ? Une fois que le bébé est né, je fais quoi ? — Tu déconnes ?! — Non ! — Tiens-les au chaud, il faut pas qu’elles aient froid ! J’arrive dans 5 minutes !

C’était voulu d’accoucher chez toi dans l’eau ?

Pas spécialement. Le plan initial, c’était un accouchement physiologique en plateau technique après un accompagnement global. J’ai juste compris trop tard ce qui se passait pour partir à la mat’.

Non mais tu avais pas remarqué que tu étais en train d’accoucher, sérieux ?

Si ! J’ai juste pas compris où j’en étais. Le travail est divisé en deux phases : le prétravail où on a un peu mal et où le col de l’utérus se met tranquillement en place, et le travail lui-même qui mène à l’ouverture complète (et où on douille pas mal, en se déconnectant progressivement de la réalité à condition qu’on nous foute la paix).

Ben pendant pas loin de 5-6 heures, j’avais mal mais les contractions restaient irrégulières et je continuais de faire de l’humour au téléphone. La sage-femme (au téléphone) n’y a vu que du feu et mon mari aussi. La “coupure”, ou la montée en puissance, est arrivée d’un coup. J’étais alors seule à la maison et je n’étais plus en mesure de téléphoner à qui que ce soit pour prévenir. J’ai accouché 1h30 plus tard.

Et tu n’as pas trop souffert sans la péri ?

Je dirais que j’ai eu le temps d’avoir mal, mais pas de souffrir. J’ai beaucoup souffert à mon premier accouchement, où j’ai eu mal sans savoir quoi faire de la douleur, sans personne pour me rassurer sur ce que je ressentais. J’ai eu très peur et je me suis sentie abandonnée en plus d’avoir mal. Sans compter les gestes techniques qu’on m’a imposés pendant le travail et l’accouchement.

Là, j’étais bien préparée : je comprenais ce qui se passait, je savais comment traverser les phases douloureuses.

Pendant les contractions, mes techniques de soulagement de la douleur ont évolué au cours du temps : au début, ça me faisait du bien de me pencher en avant appuyée sur un mur, assise dans le bain ou carrément à quatre pattes. Un peu plus tard, assise en tailleur, j’ai fait des vocalises de hippie (je trouvais ça vraiment chelou quand je regardais des vidéos de naissance à domicile, mais c’est venu assez naturellement quand j’ai commencé à avoir bien mal). À la toute fin, c’est la position sur le côté qui m’a bien aidée.

Mais surtout, je ne me suis pas posé la question de savoir quand l’ensemble allait se terminer : j’ai géré les contractions au fur et à mesure, une à la fois. Quand la contraction arrivait, je respirais « dans la douleur » en emmenant mentalement l’air là où ça faisait mal. La contraction repartait, j’en profitais pour me reposer. Au final, j’avais plus de temps de repos que de temps de contraction. Paradoxalement, comme il n’y avait personne pour me dire à combien de centimètres j’en étais, je ne me suis jamais posé de question de type « pfff c’est bientôt fini ? », et je pense que ça m’a bien aidée. Je me tâte pour demander à la sage-femme de ne jamais me dire mon état d’avancement si jamais je fais encore un bébé.

Pendant la dernière demi-heure, j’avoue que j’avais décidé de prendre la péri en arrivant à la maternité : effectivement, j’en avais marre d’avoir mal. Sauf que même à l’hôpital, en 30 minutes avant la naissance, on ne peut pas poser une péri qui serve à quelque chose… Donc c’était mort de toute façon pour la péri. ;)

Comment on accouche dans une baignoire ?

Pas sur le dos. Pas comme dans les films américains. Oubliez baby boom et la position gynéco comme référence de position d’accouchement idéale. Ça n’aide pas le bébé à sortir et sans péri, c’est complètement atroce d’être sur le dos.

Regardez plutôt Call the midwife. En plus c’est une chouette série.

J’étais donc sur le côté, en position “à l’anglaise”, la jambe supérieure tenue par mon mari, avec probablement un petit aménagement de la position de la tête pour ne pas me noyer dans mes 30 cm d’eau.

Le bébé est né sous le niveau de l’eau, il ne s’est pas noyé car il était oxygéné via le cordon (il ne respire pas à la seconde même où il sort !). On a sorti sa tête de l’eau dès que possible, on l’a posé sur sa maman, puis on a appelé la sage-femme. (On = mon mari.)

Ton mari, il a fait quoi ?

Pas grand-chose, mais il l’a fait bien.

  • Il m’a regardée d’un air calme et encourageant alors que dans sa tête c’était pas exactement la sérénité tranquille.

  • Il a maintenu ma jambe pour que je garde une bonne position qui laissait bien passer le bébé.
  • Il m’a empêchée de tomber dans les pommes : il a soufflé doucement pour m’encourager à ne pas bloquer ma respiration lors des poussées.
  • Il a attendu que le bébé sorte en entier pour l’attraper et le sortir de l’eau, au lieu de tirer comme une brutasse sur sa tête ou sur ses épaules.
  • Il a fait un bisou d’encouragement sur mon genou et ne s’est pas formalisé que je ne remarque absolument rien.
  • Il n’a pas coupé le cordon. Il a vu la sage-femme s’apprêter à le faire, mais il n’a pas insisté pour en faire encore plus. Ça lui suffisait d’avoir fait naître le bébé.

Et après, tu es partie à la maternité ?

(C’est marrant, ça c’est la question numéro 1, qui est revenue le plus souvent !)

La sage-femme est arrivée chez nous juste après la naissance. Elle a coupé le cordon quand il a cessé de battre, elle a assuré la délivrance (i.e. la sortie du placenta — je peux fournir plein de détails vraiment intéressants et même rigolos, mais un peu gore, sur simple demande) puis m’a surveillée pendant deux bonnes heures (comme en milieu hospitalier).

L’accouchement et les suites de couches immédiates s’étaient bien passées, donc elle m’a laissé le choix entre partir à la maternité pour y rester hospitalisée 3-4 jours, ou rester hospitalisée cette même durée à domicile (avec la sage-femme qui vient me voir une fois par jour). J’étais en train de réfléchir à la question quand mon mari est arrivé avec les pâtes (crème et fromage) qu’il m’avait préparées avec amour. MIAM. J’ai compris : hospit à domicile = repas cuisinés par mon mari, hospit classique = repas d’hôpital. J’ai tranché : je suis restée à la maison. #laBouffeÇaCompte

J’imagine que dans certains autres cas (pas de SF référente, accouchement difficile), on n’a pas le choix et on doit partir à l’hôpital.

Donc ça y est, tu veux accoucher à domicile la prochaine fois ?

Nan.

On est hyper fiers de ce qu’on a fait, avec mon mari. Genre hyper fiers comme des poux : on a fait naître un bébé, à deux, sans paniquer ! Achievement unlocked! On a coché une case sur la liste des trucs fous à faire au moins une fois dans une vie !

Mais… nan, on ne recommencera pas. Ou pas exprès. On ira à l’hosto, peut-être même que je demanderai une péri. Avant d’être à complète, cette fois. Hein.

(Si jamais on fait un 3e bébé, parce que là avec deux gamines en bas âge, on n’est pas pressés du tout.)

(D’ailleurs je vais bientôt avoir des vêtements de bébé et du matos de puériculture à revendre/donner, si ça intéresse des gens ! Les fringues taille 1 mois devraient arriver dans quelques semaines, et je cherche à revendre deux porte-bébés physio très bien mais trop petits pour mon aînée.) #opportuniste