« Le syndrome Mass Effect » et la loi des séries
Dans ce billet, je vais parler de Mass Effect, de Sherlock Holmes… mais surtout de dépendance.
Récemment, j’ai découvert (avec quelques années de retard) la série Sherlock. J’ai adoré. J’ai regardé les trois saisons en moins d’une semaine, je me suis laissé surprendre par moments (j’adore !), à d’autres moments j’ai réussi à deviner la chute avant les personnages (j’adore aussi !). En outre les acteurs sont bons (oh, Moriarty), et, ce qui ne gâche rien, plutôt agréables à regarder (oh, Sherlock).
Et depuis que j’ai fini de regarder l’ensemble des épisodes, je souffre de ce que j’appelle « le syndrome Mass Effect ». Quelqu’un d’autre que moi appellerait plutôt ça un manque, mais la première fois que j’ai ressenti un manque envers un univers de fiction, c’était pour les jeux Mass Effect. C’était tellement marqué que le nom est resté entre mon mari et moi.
Pourquoi, me direz-vous ? Je vais vous raconter. J’ai découvert Mass Effect en 2010, si je me souviens bien. C’est l’histoire du commandant Shepard, qui sauve la galaxie avec ses amis. La première chose que j’aime dans ce jeu, c’est le personnage principal : j’ai pu la créer à mon goût, en l’occurrence, j’ai fabriqué une femme avec des cheveux rouges qui balance des boules d’énergie pour faire exploser les zombies. Ce qui compte surtout, c’est que ce personnage a une réelle consistance. Elle parle, elle chambre ses coéquipiers, elle tombe amoureuse, elle a des cas de conscience à résoudre. Et aussi, on la suit tout au long des trois épisodes, les choix des premiers épisodes ayant une influence sur le déroulement des suivants. Au final, j’ai fait deux ou trois cheminements intégraux (on parle de plusieurs fois plusieurs dizaines d’heures, hein), juste pour voir ce qui se passait si je faisais un autre choix ici ou là, ou pour essayer des gros bazookas à la place des boules d’énergie, ou en augmentant la difficulté pour encore plus de grosses explosions dans les combats finaux (Insane kaboum ! Gniahhh).
Oh, Shepard. (L’image vient de jinxiedoodle sur Deviantart.)
Bref. J’ai adoré Mass Effect. La richesse en émotions de ce jeu a dépassé tout ce que j’avais connu avant en termes de jeux vidéo (sauf peut-être le départ d’Aeris dans FF7, mais j’étais petite).
Et ce que j’ai appelé « l’effet Mass Effect », c’est l’année qui a suivi le jour où j’ai terminé Mass Effect 3 : pendant tout ce temps, je n’ai pas pu « accrocher » à un autre jeu vidéo. Les personnages me semblaient fades, les histoires sonnaient creux… À chaque fois que mon mari me proposait un autre jeu, je râlais, j’y allais à contrecœur, et au bout d’une dizaine de minutes je posais la manette et je demandais : « Je peux retourner jouer à Mass Effect, maintenant ? ». Il est devenu dingue. Il ne pensait pas qu’en me montrant Mass Effect 1 en 2010, il me marquerait à ce point.
Heureusement, ça a fini par passer. Quand j’ai fini le DLC Citadel de ME3. (Quatre fois, pour essayer avec tous les love interest que j’avais sous la main. Ahem.) Ce DLC était plein de fan service, je le voyais mais je m’en fichais, c’était trop bon.
Bref.
J’ai ressenti le syndrome Mass Effect plusieurs fois depuis : après les livres Honor Harrington (Honor ressemble beaucoup à ma Shepard, ça a dû jouer), après la série Firefly, et maintenant après Sherlock.
Je me rends compte que ça ne m’arrive qu’après avoir fini une série : une série de jeux, télévisée ou livresque. Pourquoi seulement les séries ? J’ai ma petite idée.
L’intrigue d’une histoire classique suit un schéma simple : situation initiale, élément perturbateur, péripéties, climax, résolution. Le NaNoWriMo appelle ça le plot rollercoaster, le grand huit de l’intrigue :
Il y a quelques autres trucs pour pondre une bonne histoire : notamment, faire en sorte que le héros se plante au moins deux ou trois fois avant de réussir, et se débrouiller pour que le héros doive donner tout ce qu’il peut pour cela. Donc en réalité il y a deux pics plus petits avant le climax. Un bon truc aussi c’est de choisir avec soin les émotions que l’histoire fait naître chez le lecteur en fonction du lecteur que vous visez.
Une bonne histoire me fait rire, pleurer, frémir (et exploser des zombies si c’est vraiment une excellente histoire). Il y a de très bons films et romans hors séries qui font très bien rire, pleurer et frémir : récemment j’ai adoré Interstellar ou Les apparences (qui mériterait un article à lui tout seul). Mais ces œuvres n’ont pas suscité « l’effet Mass Effect ».
Ce que créent les bonnes séries, c’est un grand huit souterrain, au long cours, en-dessous des grand-huits épisodiques :
Je constate que ce qui m’a le plus marquée dans les séries, outre les intrigues « racontables » (sauver la galaxie, résoudre des énigmes, etc.), c’était l’évolution intérieure des personnages. Par exemple, Shepard, qui est assez rentre-dedans dans les deux premiers épisodes, finit par voir son vernis se craqueler dans le dernier (voire par devenir carrément dépressive, mais elle finit par accepter un peu d’aide et sortir la tête de l’eau). De même, il y a une évolution assez sympa des sentiments entre Malcolm (oh, Mal) et Inara dans Firefly au fil des épisodes. Et Sherlock finit par montrer des émotions et agir de manière altruiste (bon, à sa manière) dans la saison 3 alors que c’était inenvisageable dans la saison 1.
Je pense que ces intrigues « sous-marines » sont forcément longues à mettre en place, parce que les plus puissantes d’entre elles sont relatives aux sentiments et aux caractères des personnages. On peut faire évoluer un personnage en 2 heures ou en 200 pages, et ça peut être très surprenant pour le lecteur… Mais pas autant que de voir changer un personnage auquel on s’est habitué au fil des épisodes, et qu’on pensait connaître, dont on pensait prévoir les actions. (Oh, Sherlock.)
Et donc c’est probablement pour ça que tout le monde est drogué aux séries, même moi qui me vante de ne pas être très télé : c’est la puissance de ces intrigues au long cours. La puissance des émotions, t’vois ?
Voilà.
Bon, je vous laisse, je retourne regarder Sherlock. Des bisous !