L’autre jour (enfin, ce matin), en bonne zCorrectrice, j’ai voulu corriger un tutoriel du Site du Zéro. J’y ai lu deux paragraphes écrits au futur proche, j’ai râlé en mon for intérieur, et j’ai aussi râlé sur twitter, qui est un prolongement assez logique de mon for intérieur sur certains sujets.

Voici le tweet de la discorde, reproduit jusqu’à la dernière faute de frappe :

Message : arrêtez d’écrire des tutoriels au futur proche (« nous allons + infinitif). C’est lourd et ça me change en loup-garou.

À partir de là, tout est parti dans tous les sens. On m’a retweetée un peu, mais surtout on m’a accusée d’être anti-futur proche. Les arguments, en substance, étaient :

  1. Oui mais si c’est du futur et que c’est proche, on va utiliser du futur proche.
  2. Oui mais on va pas supprimer des temps juste parce que ça te plaît pas.

J’ai été très blessée par le second argument. Je prends toujours très personnellement ce genre de remarques. Bien sûr que non, on ne va pas supprimer le futur proche ! La preuve : même moi, je l’utilise.

C’est un temps très choupi, plein de mots, ce qui est particulièrement utile en période de NaNoWriMo. Accessoirement, c’est un temps à part entière, qui porte des nuances sensées par rapport à un futur normal. (Entre nous, je trouve le futur antérieur un peu plus amusant, mais la question n’est pas là.)

Qu’est-ce que le futur proche ?

Comme mentionné dans le tweet de la discorde, il s’agit d’un futur construit sur un verbe « aller » suivi d’un infinitif. Quelques exemples :

Le nouveau site va sortir. Non mais si, bientôt : à la fin de la semaine.

Nous allons partir dans les minutes qui viennent.

Le premier piège du futur proche

Petit message de santé grammaticale : quand on utilise le futur proche, il faut bien se souvenir que le second verbe est à l’infinitif. Par exemple, attention à ce genre de petites phrases…

Vous allez remonter dans le grand Nord ?

… qui se retrouvent, comme par magie, transformées en ceci :

Vous allez remontez dans le grand Nord ?

(Là on dit « Uuuuurgh ». Allez, tous ensemble : « Uuuuurgh ».)

Je ne m’étendrai pas sur l’aspect grammatical du truc. Si vous hésitez, remplacez vos verbes par « cuire » ou « descendre » et regardez si c’est conjugué ou pas.

Le poids du futur proche

Nous allons commencer par un exemple

Là où le futur proche va poser problème, finalement, même conjugué correctement, ça va être quand on va l’utiliser à tout bout de champ, même dans des situations où on ne va avoir ni du futur, ni du futur proche. Par exemple, je vais utiliser seulement le futur proche dans ce paragraphe, et vous allez bien sentir la différence entre celui-ci et les précédents… D’ailleurs je sens que je vais perdre au moins la moitié de mes lecteurs. Vous allez sentir que je pourrais dire les choses plus vite, mais vous allez devoir vous coltiner une quantité excessive de mots, filtrer du contenu à la lecture, pour finalement arriver au même sens à la fin.

En effet, les gens ont une tendance toute naturelle, quand ils veulent expliquer quelque chose, à recourir au futur proche. Exemple :

Les flottants, tu vas voir, c’est vraiment pas si compliqué. Regarde, ce bloc, je vais lui donner une propriété float: left. Comme tu le vois, il va se coller à gauche. Le bloc non positionné en dessous va remonter à la place du flottant, mais son contenu va « envelopper » le flottant. On va donner une margin-right au flottant… Et là tu vois, un petit espace blanc va apparaître entre le contenu non positionné et le flottant.

À l’oral, ça s’entend souvent, je vous laisse tendre l’oreille. Ces habitudes orales se retrouvent donc à l’écrit. Je vous fais la même explication en gardant le futur proche uniquement là où il est pertinent :

Les flottants, tu vas voir, c’est vraiment pas si compliqué. Regarde, ce bloc, je lui donne une propriété float: left. Comme tu le vois, il se colle à gauche. Le bloc non positionné en dessous remonte à la place du flottant, mais son contenu « enveloppe » le flottant. On donne une margin-right au flottant… Et là tu vois, un petit espace blanc apparaît entre le contenu non positionné et le flottant.

Je conçois que vous n’ayez rien compris aux flottants avec ce paragraphe (on pourrait faire plein de dessins à mille mots pièce pour expliquer les flottants CSS, et ça ne suffirait pas. J’ai un projet « expliquons les flottants CSS avec des koalas » dans les cartons, mais j’hésite encore à le sortir. Bref. Ce n’est pas le sujet). Mais vous ne trouvez pas que le second paragraphe est un peu plus clair que le premier ? Juste en passant un discours au présent, on le rend plus « light », plus simple à lire.

Et je vais continuer par les vraies raisons de ma colère

C’est cela que je reproche au futur proche : on l’utilise trop, là où il ne sert pas à exprimer un futur proche. Souvent, on le retrouve dans des paragraphes d’explications ou de description, où le présent serait plus adapté. À ce niveau, le futur proche (et le futur tout court, d’ailleurs) n’est pas un choix éclairé en fonction du sens qu’on veut donner au texte : c’est un simple tic de langage.

Même dans un tutoriel, où vous expliquez un processus étape par étape, ce n’est pas la peine d’utiliser le futur proche. Regardez les cuisinières de Marmiton.org. Elles utilisent le présent pour les indications… et pour les explications :

Mélangez la farine, les œufs, la levure et le vin blanc. Le vin blanc est facultatif, mais il aide la pâte à monter.

(D’ailleurs, c’est en effet assez impressionnant de mélanger de la levure chimique avec du vin blanc. Ça fait une petite mousse qui fait pschiiiiii et il faudra que je regarde pourquoi avec Madame L., mais je crois que je m’écarte du sujet, encore.)

Or, quand on écrit du contenu technique ou quand on veut fournir une explication scientifique, on doit viser l’efficacité du discours, pas un nombre de mots ou de signes minimum. Le fond du discours est souvent déjà suffisamment compliqué pour qu’on n’en alambique pas la forme en plus.

Mais qu’est-ce que je vais faire de ma vie alors ?

Messieurs les techos qui me lisez, je vous conseille d’utiliser le présent pour vos explications, et de réserver le futur (proche ou non) à ce qui parle de sujets présents plus loin dans le document ou dans l’avenir. (Ex. Nous allons voir ici comment blablabla, puis nous verrons au chapitre suivant que bliblibli. Il est/sera possible de faire ceci ou cela dans la version XX du langage qui ne sera pas abordée dans ce bouquin.)

Même chose quand vous rédigez un tutoriel : pensez aux cuisinières de Marmiton.org. Écrivez des choses comme ceci :

Instancions un nouvel objet struct machinchose. Cette structure contient toutes les données concernant notre date.

Plutôt que des choses comme ceci :

Nous allons instancier un nouvel objet struct machinbidule. Cette structure va contenir toutes les données concernant notre date.

Conseil d’ami : si vous êtes en train d’écrire nous allons avoir, vous allez sûrement pouvoir changer votre phrase en présent. :p

Tu es vraiment trop extrême dans ton discours, Tûtie. Je vais pleurer, là, voilà. Au futur très proche.

Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas d’une interdiction stricte, mais d’une recommandation de style. Grammaticalement, c’est tout à fait correct. Et vos lecteurs comprendront aussi si vous leur parlez au futur.

Simplement, la répétition du futur proche est lourde, avec le risque que vos lecteurs décrochent (sur un contenu web, c’est un risque particulièrement marqué). Posez-vous juste la question : est-ce que vous choisissez votre temps parce que vous voulez exprimer un futur, ou est-ce que vous transposez un tic de langage ?

Est-ce que le futur est justifié ? Si oui, n’hésitez pas. Si non, passez au présent.