Depuis quatre ou cinq ans, au moins, je lis des blogs et des twitter de médecin. Je ne sais plus comment j’ai commencé. J’ai probablement vu un tweet de Jaddo, qui donnait un lien vers son blog, et j’ai lu le blog en entier. J’ai enchaîné sur d’autres blogs, d’autres comptes twitter…
J’ai découvert les blogs de sages-femmes et les comptes twitter qui allaient avec. Et dans la foulée, un blog de vétérinaire hyper instructif et bien écrit. J’ai même trouvé un blog de dentiste que j’aime beaucoup.

Et ma thèse, là, pour faire court, c’est que vous, en tant que patients, devriez vous aussi lire des blogs de médecine.

(Ouais, je vous déflore la fin, mais comme ça vous pouvez directement cliquer sur les liens si vous êtes déjà convaincus.)

Pas les blogs hyper techniques destinés aux autres médecins et aux étudiants (il y en a), plutôt les blogs écrits par des gens qui ont simplement envie de parler de leur métier, de raconter des histoires.

En lisant des blogs de médecin, j’ai découvert des histoires d’autres patients, plus ou moins pénibles. Et surtout, j’ai découvert comment le médecin réagissait à ces autres patients.

Cela m’a donné un regard différent sur les médecins eux-mêmes. J’avais peur des médecins, les histoires racontées çà et là sur la toile m’ont donné confiance : les médecins sont humains, ils font des erreurs mais ils essaient de bien faire.

J’ai beaucoup questionné également mon propre comportement de patiente. Depuis que je me documente sur les blogs et twitter de médecine, j’essaie notamment :

  • de ne pas consulter pour rien,
  • à l’inverse, de ne pas caser 50 motifs de consult en même temps – je reviendrai une autre fois pour parler de mes genoux douloureux ou de mes allergies bizarres,
  • de ne pas exiger un rendez-vous urgent quand ça traîne depuis des jours (voire des années – j’ai attendu quatre ans avant de consulter pour un souffle au cœur lalala),
  • d’être à l’heure (mais d’apporter de la lecture parce que je sais qu’ils seront à la bourre),
  • de ne pas demander d’antibiotiques pour rien… et de lever un sourcil interrogateur si on m’en prescrit,
  • de donner d’emblée tous mes motifs de consultation (sinon, on parle de « consultations de seuil », et c’est chiant pour le médecin),
  • et depuis cette note où Jaddo parle du pipi d’un de ses patients, j’essaie de donner plus des détails à mon médecin quand il me pose des questions (mais parfois je galère – et dans ce cas, j’attends du médecin qu’il soit indulgent, pas comme cette gynéconasse qui m’a enguelée parce que j’avais oublié certains détails de ma vie sexuelle tout juste naissante).

Et maintenant que je suis franche, succincte et directe avec mon médecin traitant, ça se passe beaucoup mieux entre nous.

D’autres histoires m’intéressent beaucoup parce qu’ils me font découvrir des trucs intéressants scientifiquement. J’ai notamment découvert un lien étonnant entre la mononucléose infectieuse et la transplantation rénale sur le blog de Grange Blanche, un cardiologue plus très lyonnais. (J’ai dû découvrir cet article peu de temps après avoir chopé la MNI, ce qui a dû jouer.)

J’aime bien les histoires de médecine vétérinaire, aussi. Boules de Fourrure est très fort pour mêler vulgarisation et anecdotes. Je vous recommande particulièrement son billet sur la toxoplasmose et les chats (indispensable pour les femmes enceintes) et, si vous avez un chat, l’explication de l’insuffisance rénale chronique. Et aussi tous les billets de sa colonne « à retenir ».

Certains articles m’intéressent parce qu’ils me concernent et me permettent de comprendre mieux ce que j’ai et ce qu’en savent les médecins. Par exemple les allumés médecins sympathiques du blog « 2 garçons une fille » ont pondu une synthèse sur le traitement de la migraine.

Bon, j’avoue, ce que je préfère en général sur leur blog, ce sont les histoires avec plein de gifs animés derrière des liens. Ou alors quand La Boutonnologue raconte sa lune de miel, ou quand elle raconte n’importe quoi d’autre d’ailleurs, j’adore son style.

C’est aussi sur les blogs de médecins que j’ai découvert comment fonctionnaient les études de médecine (j’ai presque compris !) et l’hôpital (ce qui est aussi compliqué que les études de médecine, à peu près).

Sinon ce qui est trop cool avec Twitter plus particulièrement, c’est de pouvoir papoter de tout et de rien avec des médecins. Ou alors parfois plus spécifiquement de médecine, comme de ce que ça signifie quand un médecin vous dit que si vous vomissez deux fois par jour c’est un « signe sympathique mes fesses ». Ben c’est pas « sympa ». C’est à cause du salopard de système nerveux sympathique.

Les blogs de médecine englobent aussi les blogs de sages-femmes : c’est en lisant régulièrement le blog de 10lunes que j’ai découvert que les sages-femmes ne faisaient pas que les accouchements, mais pouvaient aussi faire, en libéral, le suivi des femmes enceintes. Et, tant qu’à faire, le suivi des femmes pas enceintes aussi. (Tant qu’elles vont bien !) Les histoires de 10lunes m’ont rendue accro aux histoires d’accouchement, et donné envie de militer pour le respect de la naissance, bien avant d’être enceinte moi-même.

Les blogs de sage-femme et ceux des généralistes pratiquant la gynécologie m’ont fait réaliser que mon gynéco était mauvais. Il me faisait enlever haut et bas, faisait systématiquement des touchers vaginaux, s’entêtait à me prescrire Diane 35 malgré les oublis fréquents et migraines épouvantables dont je me plaignais, il réalisait un frottis par an (de mes 20 ans à mes 24 ans)… À l’époque je n’avais pas de doc autre que ces blogs qui expliquaient qu’on pouvait se passer de toucher vaginal, que le frottis c’était seulement à partir de 25 ans… et tous les 3 ans si les 2 premiers étaient normaux. Et de découvrir qu’on n’est pas obligé de se mettre complètement à poil, et qu’on peut avoir un DIU/Stérilet même si on n’a pas eu d’enfant ! La folie !

(J’ai définitivement lâché ce gynéco le jour où il m’a dit « c’est pas grave si Diane vous donne des migraines, puisque je vous prescris aussi des antimigraineux ! ».)

Au début de ma grossesse, aurais-je appelé « ma » sage-femme si je n’avais pas lu ces blogs ? Sûrement pas ! Je n’aurais même pas su qu’elle pouvait s’occuper de moi. J’aurais vu ce médecin-là pour mon suivi ? Et il m’aurait répété que les vomissements étaient sympathiques, et qu’il n’y avait rien à faire, et j’aurais probablement cherché à me rassurer en lisant les forums doctissimo, et j’écrirais « chez gygy »… Et ma fille serait sûrement née par césarienne, si j’en crois les statistiques de la clinique où il bosse.

Brr.

En vrai, je ne lis pas que les blogs de médecin. Je lis tout.
Je lis tout ce que je peux dès qu’il s’agit de ma santé. Par exemple, je lis les notices des médicaments… les brochures d’information sur tout et rien… les affiches dans les salles d’attente… et j’ai lu le carnet de santé du bébé, du début à la fin, en incluant les petites notes. La pédiatre à qui je l’ai dit m’a répondu « ah ? Hé bien vous en avez du temps si vous en êtes arrivée là ! » sur un ton dédaigneux. Comme si c’était futile. Comme si ça la gênait que j’aie une autre source d’information qu’elle…

(Et comme elle me parlait sur le même ton qu’au bébé, j’ai changé de pédiatre. Et comme l’autre pédiatre avait toujours 30 minutes de retard sur le premier créneau de la matinée, j’ai arrêté d’emmener bébé chez le pédiatre. Le généraliste s’en sort bien pour l’instant, même quand la gaminette veut lui piquer ses babioles.)

Heureusement, tous les médecins ne sont pas effrayés à l’idée que les patients se prennent en main et remettent un peu en question leur pratique de la médecine. Dr Borée a écrit un article très bien sur le rôle que jouent les blogs de médecine dans « l’autonomisation » des patients, et sur la résistance au changement que lui opposent certains médecins.