La guéguerre du sein et du biberon
Je voulais allaiter, mais…
Quand j’étais enceinte, et même avant, je lisais pas mal de littérature sur l’allaitement maternel et ses bienfaits. C’était une certitude : j’allaiterais, je ferais ce don de moi-même à ma fille, et elle aurait tous les anticorps pour bien commencer dans la vie.
Pendant les séances de préparation à la naissance, il y a eu une scène rigolote : la sage-femme nous a demandé (nous étions un groupe de trois) si nous allions utiliser le sein ou le biberon. Toutes, nous voulions allaiter au sein… S’en est ensuivi un « jeu de rôle » où nous devions donner successivement un argument « pour l’allaitement au sein » et un autre « pour l’allaitement au biberon ».
Je me rappelle avoir pensé que les arguments « pro-biberon » étaient pipeau. Je me rappelle avoir jugé mes amies biberonnantes comme des mauvaises mères qui ne se souciaient pas de la santé de leur enfant. Et d’avoir pensé que si leur gamin pleurait de douleur à cause de ses coliques, ben c’était normal : ils n’avaient pas le lait adapté.
Je caricature peut-être un peu, mais c’est quand même une description globale de mon état d’esprit de l’époque.
Et là, bim : le parpaing de la réalité est entré en jeu.
Vingt-quatre heures après l’accouchement, j’étais épuisée. Ma fille pleurait et refusait de prendre le sein plus de quelques secondes. Elle avait faim. J’avais sommeil. J’ai demandé un biberon et j’ai savouré ma fille qui mangeait enfin à sa faim.
Et voilà. J’étais devenue une biberonnante. Une mauvaise mère…
J’ai lutté quelque temps. J’ai loué un tire-lait pour que Mini puisse manger un peu de mon lait. Mais je n’ai pas tiré très longtemps.
Mais le biberon, ce n’est pas si mal.
Le lait artificiel n’est pas aussi mauvais que ça. Certes, il ne contient pas « d’anticorps magiques », et il est plus difficile à digérer par un bébé (et plus hardcore pour les reins). Mais ça nourrit, ça contient les nutriments nécessaires. Dans un contexte où on a accès à de l’eau potable et où on peut se le permettre économiquement, pourquoi taper sur les mères qui veulent biberonner ?
Ensuite, il y a un argument d’une force incomparable, bien que je l’aie considéré comme « pipeau » avant la naissance de Mini : quand on biberonne, on peut refiler le bébé à son père, mettre des boules quiès et dormir douze heures d’affilée. Je vous assure qu’en plein baby blues, quand on a le moral au fond des chaussettes et qu’on creuse encore, douze heures de sommeil, ça compte.
Un autre argument anti-biberon courant, c’est que les bébés au biberon manquent de contact humain. Celui-là, même ma personnalité pro-allaitement-naturel le trouve nase. Merci, mais je ne me résume pas à mes seins (tout volumineux qu’ils soient en période d’allaitement). Pour moi, le contact humain, c’est aussi porter bébé pour la bercer, la garder en écharpe pour une petite sieste, lui faire des bisous sur le ventre et sur la tête, attraper ses petites mains et lui parler. Tout ça, notez-le, je le fais, et encore mieux si je suis bien reposée (wink wink l’argument précédent).
Ce qui est grave, c’est de faire culpabiliser les mères (toutes les mères)
Finalement, au-delà de mon expérience personnelle, ce que j’ai pu constater, c’est qu’il y a une pression dans les deux sens. Et c’est ça, le vrai problème.
D’un côté, on a la moitié de la terre entière et les mentions sur les paquets de lait en poudre qui disent que l’allaitement maternel, c’est le bien absolu. On a certaines maternités où on fait culpabiliser les jeunes mères qui veulent biberonner… où on ne leur apprend pas à faire faire le petit rot si elles refusent de donner le sein, par exemple. C’est débile, non ?
D’un autre côté, on a les gens bien intentionnés qui s’inquiètent de voir les bébés allaités qui « ne prennent pas assez de poids ». Et on insiste pour donner des biberons de complément de lait artificiel, ce qui a le pouvoir de faire pleurer les mamans, voire fiche en l’air tout l’allaitement. On donne aussi des conseils tout pourris copiés de l’allaitement artificiel, du genre « au moins 2 heures 30 entre deux tétées » ou « pas plus de 20 minutes de tétée ». QUEL EST LE PHOQUE, je vous demande.
Le seul conseil qui vaille la peine d’être retenu, à mon sens, est le suivant (attention, conseil super foufou de oufmalade) :
Si votre bébé a faim, il faut le nourrir.
Il saura tout seul se réguler, quel que soit le lait que vous lui donnez. Et faites-lui des câlins. Plein. C’est important, les câlins.
Conclusion-girouette
Je suis très contente, a posteriori, de mon allaitement au lait artificiel : Mini a bien grandi, elle est éveillée, elle est zen, elle nous aime très fort. Son père et moi, on est toujours amoureux et on a plus ou moins échappé au manque de sommeil. C’est probablement très lié au caractère vraiment calme de Mini, tout ne vient pas forcément de l’allaitement en lui-même.
Et donc, pour mon prochain bébé… je réessaierai quand même l’allaitement maternel, en me préparant mieux que ça pour avoir toutes mes chances de réussir. Parce que je veux essayer, parce que je pense quand même que c’est mieux pour la santé du bébé et aussi parce que je veux avoir des gros seins (c’est une vraie raison, si, si !).
Et d’ici là, le seul conseil que je donnerai aux jeunes mamans dans la jungle des conseils de nutrition, c’est « ne te prends pas la tête ».